Pourquoi la bienveillance en entreprise s’est (enfin) imposée ?
Le premier mars 2016, je publiais sur Linkedin un article qui allait littéralement changer ma vie. Son titre : LE MANAGEMENT PAR LA BIENVEILLANCE, L'AVENIR DU MANAGEMENT !
Dans cet article, je posais les bases d’un concept que je venais d’inventer : le management bienveillant et la bienveillance en entreprise. Je sortais d’une expérience très compliquée en entreprise et la bienveillance m’a semblé être un bon résumé de ce que je souhaitais voir au quotidien en entreprise.
Les réactions à l’époque étaient très mitigées. J’ai eu le droit à des « idéalistes », des « bisounours », des « pas réaliste »… et pourtant, l’article a été lu plus d’un million de fois, liké plus de 70 000 fois et de ce simple article est né un concept qui allait faire du chemin : des livres dont « Mon boss est nul, mais je le soigne » ou « Les 10 commandements de la bienveillance en entreprise », des conférences, des formations, mon podcast Happy Work, mais surtout une reconnaissance que je n’aurai jamais imaginée à l’époque.
Le concept qui semblait être un tantinet naïf en 2016 s’est petit à petit imposé pour devenir une évidence encore plus flagrante avec la pandémie. Certes, j’ai eu une petite influence sur cette évolution, mais je n’aurai pas la prétention d’imaginer que je suis le seul responsable, bien loin de là. Alors… que s’est-il passé entre 2016 et aujourd’hui pour que l’on passe d’un concept sympathique, mais inexistant, à une réalité inévitable pour toute entreprise qui souhaite réussir ?
1- Le passage du chômage de masse à la tension sur le marché de l’emploi
En juillet, la Banque de France indiquait que 48% des entreprises avaient du mal à recruter. Un grand nombre d’analystes vont expliquer que la problématique première est le décalage entre le niveau de formation des salariés et le besoin… quelle blague !
Pour être plus exact, je ne devrais pas dire « quelle blague », mais plutôt « quelle bonne excuse ». En 2016, le taux de chômage était de 10.1%, à fin juin 2021, il était de 8.1% (source INSEE) et la tendance est clairement baissière pour les mois à venir.
Depuis des années, certains secteurs d’activité ont du mal à recruter : les développeurs informatiques, les comptables, les serveurs et métiers liés à la restauration et l’hôtellerie. Question de formation uniquement ? Non, clairement non. Les talents qui ont de plus en plus le choix entre plusieurs propositions d’emploi vont choisir les entreprises qui leur propose le plus de confort professionnel. À votre avis, entre un emploi proposant un télétravail à la carte et un autre ne proposant pas de télétravail, quel sera le choix d’un candidat ?
Le rapport de force entre les employeurs et les employés est en train de changer radicalement. Je fais partie de cette génération qui a pu entendre ce genre de phrase « dis-donc, si tu n’es pas content, y en a 10 qui seraient content d’avoir ton boulot, alors tais-toi et bosse » ; ce temps est révolu et cela pose problème à certaines entreprises qui n’ont pas encore compris que l’humain doit être mis au cœur de toute chose pour réussir.
Par ailleurs… petit message aux entreprises disant qu’il n’existe pas de salarié potentiel avec la bonne formation, petite suggestion : proposez des contrats de travail intégrant la formation de vos salariés. Cela se fait dans d’autres pays, et cela fonctionne.
2- La nouvelle place du travail
La pandémie a radicalement changé le regard que les salariés portent sur leur vie professionnelle. Ce qui semblait être essentiel et central avant la pandémie est devenu pratiquement secondaire après le premier confinement. La vie professionnelle a été remise à sa juste place.
Avec le premier confinement, un grand nombre de salarié a pris conscience de la fragilité d’une situation que l’on pensait pérenne et acquise. Le télétravail forcé ou le chômage partiel que nous sommes beaucoup à avoir expérimenté a redonné à notre vie personnelle une place qu’elle avait perdu depuis longtemps. Puis, petit à petit, une nouvelle normalité s’est imposée.
Avant la pandémie, seules 16% des entreprises avaient des accords de télétravail. Aujourd’hui, 26 % des actifs français télétravaillent régulièrement, 53 % des cadres pratiquent le télétravail et 78 % des employés ont indiqué une préférence pour le travail à domicile. Rares sont les entretiens de recrutement durant lesquels la question du télétravail n’est pas posée par le candidat.
La pandémie nous aura clairement démontré que le télétravail ne signifiait pas une baisse de productivité comme le prétendaient ses détracteurs et, je peux vous l’affirmer sans aucun doute possible : il n’y aura aucun retour en arrière possible.
Je ne dis pas que la vie professionnelle n’a plus d’importance. Je dis simplement que la notion d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est devenu un vrai sujet dans une écrasante majorité d’entreprises. La ministre du travail, Élisabeth Borne, vient d’annoncer que les entreprises allaient reprendre la main sur la quantité de jours télétravaillés le 1er septembre ; un retour au 100% présentiel imposé serait une grande, très grande erreur que les entreprises payeront par un grand nombre de démissions sous les 6 mois.
3- La « nouvelle » place des salariés
Rappelez-vous le premier confinement ; nos sociétés découvraient à quel point des métiers que les média ont qualifié d’invisibles sont devenus du jour au lendemain essentiels : éboueurs, agents de caisse par exemple. Ces métiers qui n’avaient que peu de considération sont devenus du jour au lendemain, à raison, des héros, nous permettant de garder un semblant de normalité de vie pendant le premier confinement.
Mais ce qui s’est passé à ce moment a un impact beaucoup plus profond et durable. Depuis toujours, dans la théorie du management bienveillant, j’explique qu’il est fondamental d’accorder la même importance à chaque salarié, quel que soit son niveau hiérarchique car une entreprise, c’est une chaîne dont la force se reconnait à celle de son maillon le plus faible, où qu’il se trouve.
Il n’existe pas de salarié moins important qu’un autre. Cela semble stupide de le rappeler, mais la période que nous venons de vivre nous l’a rappelé de façon claire.
4- Le management individualisé
Avant la pandémie, il était simple pour un manager de gérer son équipe de façon globale, sans vraiment se soucier des situations individuelles. Aujourd’hui, et encore plus dans les années à venir, il sera fondamental pour attirer et garder les talents, de proposer une fiche de poste sur mesure qui intègre la situation individuelle de chaque personne et, notamment, son désir ou non d’intégrer une plus ou moins grande part de télétravail.
Jusqu’ici, les entreprises françaises ont globalement bien passé l’épreuve de la pandémie et ce grâce à deux éléments : les aides gouvernementales qui ont été de loin les meilleures au monde, et l’implication des salariés qui est allé au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer.
Oui, les entreprises, petites ou grandes doivent énormément à leurs salariés qui ont su rester impliqués malgré la situation anxiogène dans laquelle ils se trouvaient. Penser que ces mêmes salariés n’attendent pas une bienveillance accrue dans une période qui s’annonce plus sereine serait se tromper lourdement. Les entreprises qui ne feront pas le « pari » de la bienveillance, notamment dans leur mode de management, du fait de l’embellie sur le marché de l’emploi, vont petit à petit voir leurs meilleurs éléments partir pour des horizons plus cléments.
5- La formation des managers
Je parle depuis des mois avec beaucoup de dirigeants et de DRH qui ont conscience de ce qu’ils doivent à leurs salariés et qui ont su intégrer une véritable libération de la parole depuis quelques mois.
Cette pandémie aura clairement eu un impact gigantesque et définitif sur la libération de la parole, notamment sur les émotions. Et oui, les salariés ne sont pas des robots et un grand nombre d’études ont montré que l’état psychologique de ceux-ci n’était pas bon. Beaucoup de managers ont découvert le management à distance et ont développé des compétences en la matière. Ce n’est pas le cas de toutes et de tous, je vous l’accorde, mais je constate au travers des conférences et séminaire que je fais depuis des mois que les entreprises sont conscientes de cette évolution et de la nécessaire formation des managers à leur métier.
Depuis 2016, j’explique qu’il est fondamental de former les managers à leur métier car, oui, il s’agit d’un métier ! La pandémie aura montré avec une clarté éblouissante la véracité de cette affirmation et, je le constate quotidiennement, la tendance n’est pas prête à s’inverser.
CONCLUSION
Il y a cinq ans, j’avais conscience que le concept de manager bienveillant était une sorte d’OVNI dans un monde qui valorisait plus la dureté que l’empathie managériale. Aujourd’hui, je ne prétends pas que le combat est gagné. En effet, il y a un élément qui est complexe à gérer : la résistance au changement. Ce n’est pas une pandémie qui changera le comportement qu’un manager a depuis 20 ou 30 ans du jour au lendemain.
Par contre, ce dont je suis convaincu, c’est que l’exigence de bienveillance dont feront preuve les salariés de façon croissante et claire aura un impact sur le mode de management tel que nous le connaissions grâce à un super pouvoir que chaque salarié à : démissionner !
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