Les "nouveaux" managers : savoir (re)motiver ses équipes
Depuis le déconfinement, je suis énormément en contact avec des dirigeants et des DRH ; ils me disent (presque) toutes et tous la même chose : il n’y aura pas de retour à la situation d’avant confinement. Ce qui s’est passé en deux mois est une transformation profonde et durable de l’organisation du travail. Bien entendu, le télétravail arrive largement en tête des transformations radicales. Des entreprises qui n’avaient jamais envisagé utiliser le télétravail s’y sont mis à marche forcée, d’autres qui avaient un plan de transformation planifié sur deux ans ont dû réaliser ce plan… en une semaine.
Mais il n’y a pas que cela. Il y a les transformations rendues obligatoires par la situation sanitaire, mais désormais, il faut commencer la transformation des Hommes. S’il est « simple » d’acheter des ordinateurs portables aux salariés pour qu’ils soient en télétravail, transformer les relations managériales est nettement moins aisé et, surtout, moins rapide. Le manager d’hier ne peut en aucun cas être le même que demain. La période du confinement a mis en lumière les qualités et les défauts de la communauté managériale. Tellement difficile d’adapter son mode de management du jour au lendemain, il est impossible de blâmer celles et ceux qui, n’en doutons pas, ont fait de leur mieux pour accompagner leurs équipes pendant cette période.
Vous le savez, il y a 6 ans maintenant, j’ai conceptualisé le management bienveillant ; si je crois que, plus que jamais, la bienveillance est essentielle en cette période, cela n’est plus suffisant. Un manager bienveillant avant le confinement devra, dans les mois à venir évoluer, se transformer et ce pour arriver à remotiver son équipe.
En effet, l’une des problématiques les plus importantes dans les semaines, et peut-être les mois à venir, va être de réussir à remotiver son équipe, et cela ne va pas être une mince affaire.
Il faut bien prendre conscience que pendant deux mois, notre activité professionnelle, d’habitude si présente dans notre quotidien, est passé au second plan. Comment être motivé quand la principale préoccupation est sa santé et celle de ses proches ? Et oui, de façon violente, le corona nous a rappeler que notre santé est prioritaire par rapport à notre travail. Cela semble évident, et pourtant, si cela l’était autant, le burn-out n’existerait pas. Pour la première fois, ce n’est pas l’économique qui est au centre de toutes les attentions, mais bien le sanitaire.
Bien entendu, pour les managers, tout l’enjeu se trouve là : comment réussir à re-motiver des équipes sur des enjeux économiques alors que ceux-ci sont secondaires depuis 2 mois ?
1- Rassurer
Impossible de motiver une équipe si celle-ci pense être en danger en venant travailler. Pour un grand nombre de salariés, le télétravail n’est pas envisageable et d’autres salariés font du présentiel en partie. Le rôle du manager de proximité dans ce genre de cas est d’être totalement transparent et d’être en capacité d’expliquer de façon factuelle en quoi chaque salarié est protégé. Mais au-delà du discours, il y a les actes : masque et gel bien entendu et application de toutes les recommandations du Ministère du Travail, mais d’autres entreprises vont plus loin : tests sérologiques ou sanguins.
La plus grande source de démotivation est la peur. Le rôle du management de proximité est de réduire cette peur. Et là, nous ne sommes pas dans le « yakafautcon » mais bien dans le plan d’action concret : chaque manager doit être capable de répondre à cette simple question : pourquoi ne suis-je pas en danger si je viens travailler ? Avant de parler d’objectifs, il va falloir réduire le plus possible la peur légitime que toutes et tous auront d’être malade, surtout si le présentiel doit reprendre petit à petit sa place.
2- Expliquer
La période que nous traversons est anxiogène, et cela ne tient pas qu’à des questions sanitaires. En effet, la peur de l’inconnu est réelle. Le déconfinement, c’est un peu comme si pendant deux mois, nous avions vécu dans un château hanté et, un jour, nous voyons une porte avec marqué « sortie » au-dessus, mais impossible de savoir ce qui se cache derrière : est-ce une autre pièce du château ou bien une raison d’être enfin, optimiste. Et bien le rôle du manager de proximité, c’est d’expliquer en détail ce qui se cache derrière cette porte en étant capable de détailler la stratégie de l’entreprise.
Ne pas savoir est source d’angoisse et d’énervement. Cela nous est toutes et tous arrivé de nous trouver dans un train à l’arrêt en rase campagne. Depuis quelques années maintenant, la SNCF fait des efforts pour qu’une annonce soit faite pour qu’une annonce soit faite afin d’expliquer pourquoi nous sommes à l’arrêt et combien de temps cela va durer. Connaitre le pourquoi et connaître l’issue ne supprime pas le désagrément, mais cela permet de mieux vivre le moment. Il en va de même en management.
Donner du sens à ce que nous vivons actuellement, ce sera sans aucun doute la mission première des managers.
« Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer quelque chose, essayez donc de dormir avec un moustique dans votre chambre et vous verrez lequel des deux empêche l’autre de dormir » - Dalaï Lama
3- Accompagner
Jamais dans l’histoire de l’économie la spécificité de chaque salarié n’aura été aussi importante. En effet, nous serons passé en deux mois d’un monde de l’entreprise où la stratégie de bien-être au travail pouvait être relativement globale. Aujourd’hui, tout cela a volé en éclat. Entre les personnes qui sont à 100% en télétravail, les autres à 0%, certains entre les deux et la particularité du télétravail pour les personnes ayant des enfants ou non à la maison, celles et ceux vivant dans des petits appartements ou des maisons avec jardins, il est impossible d’avoir le même discours pour chaque salarié.
Le manager de proximité va devoir s’intéresser à la situation spécifique de chaque membre de son équipe s’il veut revenir à un niveau de motivation normal. Être à l’écoute, empathique. Ces deux qualités seront absolument essentielles dans la période qui commence.
4- Donner l’exemple
Chaque manager devrait se demander ce qu’il/elle attend de la part de son équipe. Je me suis posé cette question en m’imaginant de retour en arrière, à l’époque où je gérais des équipes. Et voilà ce que j’aurai attendu de chaque membre de mon équipe :
Transparence & loyauté : nous sommes toutes et tous dans le même bateau, il n’y a pas de place pour les « jeux » politiques ou les intérêts personnels actuellement.
Implication : sans l’énergie de toutes et de tous, chacun selon ses capacités, nous n’y arriverons pas. La force d'une chaîne se reconnait à la force de son maillon le plus faible. Il est du rôle du manager d'identifier ce(s) maillon(s) faible(s) et de les accompagner pour le(s) rendre plus fort(s).
Esprit d’équipe & solidarité : ne laisser personne de côté est une priorité. Chaque personne doit se sentir responsable de toutes et de tous afin de développer un esprit d’entraide
Optimisme : il ne s’agit pas de se dire que tout va bien, mais de se dire que si nous nous y mettons toutes et tous ensembles, nous y arriverons
Créativité et autonomie : dans cette période, plus que jamais, chaque salarié peut apporter sa pierre à l’édifice.
Bien entendu, tout le monde ne sera pas parfait, c’est une évidence. Mais, autant que faire se peut, les managers devront s’approcher de cette perfection. Pas facile ? C’est vrai. Mais c’est pour cette raison que j’insiste dans chacun des webinaires que je fais pour des managers pour qu’ils créent des communautés de managers afin de s’entre-aider, qu’ils échangent leurs idées, leurs erreurs. Et n’oublions pas, rares sont les managers qui n’ont pas eux même un manager qui pourra les accompagner.
N’en doutons pas, c’est en étant persuadé que nous allons réussir à gérer cette période que nous y arriverons. N’écoutez pas les Cassandres qui nous annoncent un monde terrible. Il ne tient qu’à nous de créer un nouveau monde de l’entreprise, de nouvelles relations sociales. Bien entendu, les obstacles sont nombreux et parfois gigantesques, mais ce n’est pas en baissant les bras que l’on gravit une montagne ! Et j’en parle en connaissance de cause !
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