Les 5 choses devenues inacceptables en entreprise
Illustration : @demaincommenceajourdhui / https://www.instagram.com/demaincommenceaujourdhui/
La période que nous vivons actuellement est sans aucun doute possible la période de transition la plus radicale que notre économie et le monde de l’entreprise n’ait jamais connu. Comme je le dis souvent, celle et ceux qui pensent qu’il s’agit d’une parenthèse dans l’attente d’un retour à la « normalité » d’avant COVID risquent fort d’être déçus. En effet, cette période agit comme un révélateur et un accélérateur de tendances déjà présentent avant la pandémie.
Certaines choses qui étaient acceptables dans le « monde d’avant » ne le seront clairement plus dans celui d’après. Je suis en contact avec un grand nombre d’entreprises qui considèrent cette période comme une sorte de grand laboratoire permettant de tester un grand nombre d’initiatives. D’un point de vue ressources humaines, il ne s’agit pas pour elles de gérer une crise, mais bien d’inventer l’entreprise de demain qui intégrera pleinement les leçons de cette période.
Et, grâce à cette période, au même titre qu’il est évident pour chacun d’entre nous que tout travail mérite salaire, l’entreprise de demain aura des « interdits » auxquels elle devra prêter attention. Des éléments qui feront que s’ils sont absents, le recrutement ou la fidélisation de talents deviendra de plus en plus complexe, pour ne pas dire impossible. J’en ai dénombré 5 principales.
1- Ne pas gérer à l’équilibre vie privée / vie professionnelle
La période que nous vivons a permis à un grand nombre d’entre nous de découvrir le télétravail et la difficulté qu’il y a de mélanger de façon aussi intense le travail et notre lieu de vie. Souvent fantasmé avant la crise comme étant LA solution à l’équilibre vie privée/vie professionnelle, il a souvent été complexe à gérer avec notamment une augmentation moyenne constatée du temps de travail quotidien de 48 minutes (étude de Harvard Business School et de la New York University)
Mais, au-delà de ce constat un très grand nombre de salariés ont gouté de nouveau au plaisir de ne pas passer 50 minutes quotidien dans les transports, de passer plus de temps avec sa famille, de pouvoir gérer de façon plus simple son planning et, par exemple de ne pas se poser 1000 questions avant de prendre un rendez-vous en semaine avec son médecin. Cette agilité que nous avons pour beaucoup découverte pendant cette période, étant devenue une réalité, aura du mal à disparaître.
Comme souvent, quand un salarié découvre une nouvelle façon de travailler qui lui plait, il est compliqué de revenir en arrière, surtout si ce retour en arrière est un retour en force du « métro/boulot / dodo ».
Paradoxalement, une écrasante majorité des salariés n’a pas apprécié le télétravail forcé du confinement et ces mêmes salariés ont relativisé l’importance de la place que prenait leur travail dans leur vie. Psychologiquement, la vie personnelle, pour ne pas dire la vie, tout simplement, a repris une place prépondérante .
2- Ne pas s’occuper d’inclusion & d’égalité
Le combat le plus « visible » en termes d’égalité en entreprise depuis les dernières années a sans aucun doute été le combat pour l’égalité femmes/hommes avec, entre autre la mise en place de l’index d’égalité professionnelle femmes/hommes dont la publication est obligatoire depuis 1 an pour toute entreprise de plus de 50 salariés. En cas de non-publication de son Index, de non mise en œuvre de mesures correctives ou d’inefficience de celles-ci (si son indice est inférieur à 75), l’entreprise s’expose à une pénalité financière jusqu’à 1% de sa masse salariale annuelle.
Nous sommes encore loin d’avoir atteint cette égalité, mais de plus en plus d’entreprises agissent car cette égalité devient un critère de choix de la part des talents. Entre aller travailler pour une entreprise qui refuserait de publier son indice et une entreprise comme Aviva dont l’indice est de 99 sur 100, le choix est vite fait.
Mais ce qui est intéressant, c’est que ce combat n’est, pour beaucoup d’entreprise, que l’arbre qui cache la forêt et ont décidé de s’attaquer à toutes les formes d’inclusion. Que ce soit le handicap, l’orientation sexuelle, la couleur de la peau, la religion, de plus en plus d’entreprise ont compris que séparer le concept de salarié de celui de citoyens que nous sommes est de moins en moins possible.
La question qui se pose aujourd’hui est de bien faire la différence entre une déclaration d’intention et des actes concrets. Je rêve de la création d’un indice d’inclusion qui aurait les mêmes conséquences que celui créé pour l’égalité hommes/femmes.
"Le futur appartient à ceux qui voient les possibilités avant qu'elles ne deviennent évidentes.” Théodore Levitt
3- Ne pas avoir de valeurs fortes
Une entreprise sans valeur est une entreprise vide de sens. Certes, la loi est passée par là avec La loi Pacte de 2019 qui introduit la qualité de société à mission permettant à une entreprise de déclarer sa raison d'être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. Le principe est de donner la possibilité à une entreprise d’affirmer haut et fort ses valeurs.
Un exemple ? Le Groupe Danone a ainsi été la première société cotée à changer ses statuts pour intégrer ses missions qui sont les suivantes :
Améliorer la santé grâce à des produits plus sains et des marques qui encouragent de meilleures habitudes alimentaires.
Préserver la planète et renouveler ses ressources, en soutenant l’agriculture régénératrice, en protégeant le cycle de l'eau et en renforçant l’économie circulaire des emballages, pour contribuer à la lutte contre le changement climatique.
Construire le futur avec nos équipes, en lien avec notre modèle de gouvernance innovant ‘Une Personne, Une Voix, Une Action’, qui donne à chacun de nos salariés le pouvoir d’avoir un impact sur les décisions de l’entreprise.
Promouvoir une croissance inclusive, en agissant pour l’égalité des chances au sein de l’entreprise, en accompagnant les acteurs les plus fragiles de notre écosystème et en développant des produits du quotidien accessibles au plus grand nombre.
L’engagement est fort lorsqu’il s’agit d’un groupe comme Danone. Mais ce type d’engagement peut également s’appliquer à une PME qui permettra à ses salariés de trouver du sens dans leur travail. La perte de sens a été une grande problématique pendant le confinement. Pourquoi travaillons-nous ? Au-delà du salaire, chaque entreprise va devoir se poser la question de son impact positif sur la société et, par cette action, augmenter son engagement.
L’une des spécificités des générations Y et Z est qu’elles refuseront de travailler pour des entreprises qui ne donnent pas de sens à leur action. Mais, encore une fois, il ne s’agit pas juste de faire de jolies déclarations… mais d’agir concrètement.
4- Ne pas donner de télétravail
Imaginez-vous à la recherche d’un travail une fois que la pandémie sera passée. Deux entreprises souhaitent vous recruter. La première vous dit que chez elle, le télétravail n’est vraiment pas bien vu, la seconde vous dit que vous pouvez prendre jusqu’à 4 jours de télétravail par semaine et que vous organiserez votre planning comme bon vous semble… où irez-vous ?
Je reçois beaucoup d’email de personnes me disant que leur entreprise veut arrêter totalement le télétravail, notamment des PME. Je me demande comment cela est possible en fait. J’en suis à me demander si nous n’allons pas assister à un inattendu retournement de situation dans les années qui viennent avec une attractivité employeur des grands groupes qui sera supérieure à celle des PME du simple fait de l’intégration totale du télétravail, qui est une réalité très forte dans les grandes entreprises.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire comme on dit, et je ne vois pas comment la part de télétravail ne pourrait pas être de plus en plus grande au regard de l’impact positif qu’il a sur le bien-être des salariés quand ce télétravail est choisi (je mets à part le confinement bien entendu), mais également sur l’environnement avec la réduction des temps de transports (50minutes par jour en moyenne).
5- Ne pas libérer la parole de ses salariés
Les citoyens que nous sommes ne sont pas des êtres humains différents lorsqu’ils travaillent. Or, force est de constater que le désir d’exprimer ce que nous pensons est devenu depuis quelques années de plus en plus fort. Le mouvement des gilets jaunes en a été une expression des plus claires.
Les salariés veulent de plus en plus donner leur opinion, exprimer ce qu’ils apprécient dans leur entreprise, comme ce qu’ils apprécient moins. Plus les années passeront, plus les entreprises seront co-construites. Cela est d’autant plus vrai que des outils numériques facilitent grandement la tâche. Je pense à Zest ou Supermood qui permettent très simplement de prendre la température des salariés de façon régulière, d’interagir, y compris au sein d’une équipe.
Certaines entreprises ont peur d’agir en ce sens imaginant que si elles ouvrent la boite de Pandore, ce sera la catastrophe ; c’est sans intégrer le fait que, généralement, les salariés sont attachés à leur entreprise et ils ne demandent qu’une chose : l’améliorer et participer à son développement.
Conclusion
Oui, nous vivons une période agitée. Je comparais, lors d’une de mes web-conférences, cette période à une maison hantée. Adolescent, je détestais les maisons hantées à la fête foraine. Mais pour m’intégrer à mon groupe d’amis, je me forçais à y aller avec eux. Ce qui me rassurait, c’était que je savais que cette expérience aurait une durée limitée et que, bien vite, je verrais la sortie. Tout le problème avec la COVID, c’est que c’est une maison hantée dans laquelle nous n’avons pas encore trouvé cette porte de sortie… l’angoisse totale.
Même si agir sur les 5 points évoqués ci-dessus ne va pas créer de porte de sortie, en tous cas, ils mettront de la lumière dans cette satanée maison. Et, vous me le concèderez, une maison hantée avec de la lumière partout, dans chaque coin et recoin, c’est tout de même moins effrayant, non ?
Et vous, votre entreprise, c'est l'enfer ou bien le paradis ? Pour le savoir, faites le test.
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